Les hiéroglyphes déchiffrés
Depuis plus de deux mille ans, les hommes cherchaient le sens de ces signes mystérieux que l’on trouvait en Égypte. Champollion a montré qu’il s’agissait d’un alphabet. Ses atouts : les trésors rapportés par les membres de l’expédition d’Égypte ; son génie, sa passion pour les langues anciennes ; son travail ; la bienveillance de Napoléon qui l’encourage dans ses travaux.
Jean-François Champollion naît à Figeac le 23 décembre 1790. Son destin semble scellé dès le berceau. A sa mère qu’il vient soulager de douleurs rhumatismales, un rebouteux ne déclare-t-il pas au printemps 1790 : " Dans quelques jours, vous serez guérie et à la fin de l’année, vous mettrez au monde un second et bel enfant qui sera la lumière des siècles à venir ".
Stimulé peut-être par l’ambiance de la librairie paternelle, le jeune Champollion fait montre d’une très grande précocité. A cinq ans, il apprend à lire seul. A 11 ans, il entre au tout nouveau lycée de Grenoble. Bonaparte ayant réformé l’enseignement et attribué des bourses d’études au lycée, Jean-François est inscrit sur la liste ratifiée par décret du 5 germinal an XII.
Le jeune étudiant stupéfie les inspecteurs généraux dépêchés dans la ville aux trois roses : il est vrai qu’il traduit et explique à la perfection les vers les plus subtils de Virgile et d’Horace !
Ses résultats en mathématiques sont mauvais : plus tard, il sera obligé de se faire aider par son frère pour les calculs de chronologie des règnes des Pharaons.
En revanche, il se révèle d’un talent hors du commun dans l’apprentissage des langues. Le lycéen apprend tout seul l’hébreu... mais aussi l’arabe, le chaldéen, le syrien et même le copte !
Il fait la connaissance du préfet de l’Isère, l’illustre Joseph Fourier, qui devient son protecteur et lui parle de l’Égypte. De là naît une attirance qui va durer toute sa vie. De 1809 à 1811, Champollion poursuit ses études de langues à Paris. Outre le sanscrit, le jeune orientaliste apprend le persan et le chinois. "Je suis si copte", écrit-il à son frère le 2 avril 1809, "que je parle copte tout seul".
C’est à Paris qu’il découvre une copie de la pierre de Rosette , découverte par les troupes françaises en 1799 près de la ville de Rosette en Basse-Égypte - cette stèle se trouve aujourd'hui au British Museum à Londres. Elle porte un décret de 196 av. J.-C. du pharaon Ptolémée V, rédigé en 2 langues et trois écritures: hiéroglyphes, démotique et grec. Cela le passionne tant qu’il publie une théorie sur l’écriture égyptienne dès 1809. Il bénéficie des nombreux textes publiés cette année-là par les savants qui ont participé à la campagne d’Égypte. |
La pierre
de Rosette
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Grâce à l’intervention de Joseph Fourier, un décret spécial de Napoléon le dispense de la conscription. Champollion revient alors à Grenoble comme professeur d’histoire ancienne. Il a... 19 ans et un doctorat ès lettres !
En 1815, il souhaite imprimer une grammaire et un dictionnaire de copte mais ses travaux n’ont pas encore été acceptés par l’Institut. Son frère aîné, devenu secrétaire de Napoléon pendant les Cent-Jours, plaide sa cause. Napoléon, qui a fondé l’Institut d’Égypte, se souvient du jeune Champollion ; il promet d’intervenir mais c’est bientôt la défaite finale à Waterloo.
En mai 1821, les travaux de Champollion prennent un tour décisif. Sachant que c’est le nom de Ptolémée (à gauche) qui est inscrit sur la cartouche de la pierre de Rosette, il parvient à en déduire les principes de l’écriture égyptienne :
Quand il peut identifier un signe, Champollion n'a qu'à retrouver son nom en copte, ce qui lui est facile, et à déduire de ce nom, en en détachant la première articulation, la valeur de l'hiéroglyphe correspondant :
le lion | ![]() |
(copte laboi) | = L ; |
la main | ![]() |
(copte toot) | = T ; |
la bouche | ![]() |
(copte ro) | = R. |
Partant des sons simples ainsi isolés, et reportant leur valeur phonétique partout où ils paraissent, Champollion s'aide ensuite du texte grec, pour imaginer quel son, en copte, pourrait avoir la traduction de ce mot grec.. Il déchiffre ainsi, d'abord, des noms royaux, 79 noms différents dont il reconnaît, et enregistre au fur et à mesure, toutes les lettres. Puis, à côté de l' " alphabet " dont il a progressivement retrouvé toutes les lettres, il réussit à isoler des mots et, peu à peu, constitue son dictionnaire et sa grammaire.
Il peut revenir à Paris, où il était en défaveur auprès des Bourbons, et le 14 septembre 1822, il communique le résultat de ses travaux avec la Lettre à M. Darcier (secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres).
De
1824 à 1826, Champollion visite les collections égyptiennes de l’Italie
et deux ans plus tard, se rend enfin dans le pays. Il parcourt la vallée
du Nil pendant deux ans et relève les hiéroglyphes inscrits sur les
monuments. De retour à Paris en 1831, il enseigne alors l’égyptologie.
Il meurt un an plus tard, le 4 mars 1832, d’une attaque d’apoplexie.
Après sa mort, son frère publie plusieurs de ses œuvres dont la Grammaire nubienne, son passeport pour l’éternité, selon ses propres termes.